WORKSHOP DONNÉES SITUÉES ET CARTOGRAPHIE SENSIBLE
Pour son cycle 3 « Habiter, des désirs au projet », Sur-Mesure a participé en décembre 2018 à la conception et à l’animation du workshop « Données situées et Cartographie sensible », organisé par Stereolux sur l’ Île de Nantes, en partenariat avec le designer graphique et d’interaction Louis Eveillard, et le designer et urbaniste Quentin Lefèvre, spécialiste de cartographie sensible.
Ce workshop s’articulait à un premier atelier de cartographie subjective réalisé en Novembre 2018 mis au point par Sur-Mesure, au cours duquel une quinzaine de participants ont réalisé des cartes « habitantes » de l'Île de Nantes éminemment sensibles et subjectives à l’aide d’outils plastiques. Munies de ces cartes, les équipes pluridisciplinaires réunies pour le workshop ont mené deux jours durant une démarche expérimentale de cartographie urbaine et sensible de l'Île de Nantes.
Cet article présente une rapide synthèse de l’ensemble de la démarche et invite le lecteur à aller plus loin en découvrant l’ensemble du livret téléchargeable ici.
I HYBRIDER LES DONNÉES ET LES OUTILS
Quel est l’intérêt de croiser des données subjectives et objectives, des outils tangibles et numériques, alors que les données statistiques et les logiciels géomatiques permettent de projeter une image géographique relativement précise du territoire ? Justement, parce que ces projections méritent d’être complétées par des approches plus intuitives et subjectives de la réalité, faisant appel au vécu et aux valeurs des individus, ainsi qu’à la spontanéité de l’expression des multiples représentations du fait urbain.
II UN WORKSHOP EN 3 PHASES
A I L’ATELIER DE CARTOGRAPHIE SUBJECTIVE
[ENJEUX]
L’enjeu d’un atelier de cartographie subjective
En amont du workshop, un atelier de cartographie subjective a été organisé avec une quinzaine d’habitants et d’usagers de l’Ile de Nantes venus exprimer leur rapport personnel à ce territoire singulier. À l’aide d’outils plastiques et suivant une méthodologie déjà éprouvée inspirée du design sous contraintes, ils ont été invités à préciser les lieux, les usages et les affects qui animent et constituent leur pratique habituelle de l’Île. Ces représentations plastiques de données subjectives et sensibles allaient servir de point de départ aux équipes du workshop, d’objets de comparaison avec d’autres indicateurs plus objectifs : données statistiques, informations géographiques géolocalisées, plans d’urbanisme etc.
[INTRIGUE]
Les cartes subjectives, supports d’une intrigue urbaine
Plusieurs outils et sources de données sont mis à disposition des participants pour la seconde phase de l’atelier : cartes diverses, données en open data, capteurs. Les cartes subjectives du premier atelier offrent des représentations diversifiées du territoire : certaines sont indexées autour d’un thème - la composition sociologique des quartiers de l'Île de Nantes par exemple - d’autres autour d’une ambiance urbaine - poétique, esthétique, morphologique - d’autres encore autour d’une approche fonctionnelle - celles des lieux, des usages, des circulations. Marqués de scripts émotionnels grâce à l’utilisation de couleurs et de mots, elles forment le cadre d’une intrigue urbaine à décrypter, prétexte à une investigation des quartiers de l'Île. Pour amorcer le workshop, chaque équipe s’empare de cartes subjectives. Utilisées à la manière de « plans de ville », elles serviront de mini-guides pour engager la première marche exploratoire.
[APPLICATION]
Une application numérique interactive en millefeuille
Les cartes subjectives et l’intrigue qu’elles présentent sont complétées par d’autres formes possibles de représentations subjectives du territoire et par des données situées plus objectives.
Un outil numérique conçu spécifiquement pour le workshop est alors fourni aux participants : une application web interactive appelée Millefeuille met à disposition sous forme de calques superposés des cartes subjectives, historiques ou thématiques de l'Île retenues pour leur intérêt sémantique ou informationnel, et des jeux de données statistiques récoltées sur le site open data de la ville de Nantes. Cette application a ainsi pour but de faciliter la mise en relation de données géographiques de source et de nature très diverses. Elle fonctionne de manière synchrone et peut être chargée sur tous les appareils munis d’un navigateur web récent — ordinateurs, tablettes et smartphones. L’application installée sur le smartphone de chaque participant permet aux équipes de former de nouvelles couches cartographiques.
[CAPTEURS]
Capteurs et boîtiers embarqués : la solution technique des Arduino
Des capteurs sensibles Arduino sont également distribués aux équipes pour sonder l’environnement (bruit, climat…) in situ. Munies de ces différents outils, les équipes partent sur le terrain et relèvent sur leurs smartphones, grâce à des pins notifiant des points, des notes ou des images, des informations complémentaires qui viennent alimenter leurs premières réflexions. La création d’un boîtier dédié à la capture de données situées complète le panel d’outils mis disposition des équipes pour faire émerger, le cas échéant, des hypothèses liant des ressentis à des spécificités environnementales : nuisances sonores, taux d’humidité, qualité de l’air, etc. Ce boîtier communique directement avec l’application Millefeuille sur les smartphones des participants, pour y « déposer » des données de manière géolocalisée.
C I FORMALISER LES RESULTATS
[CARTOGRAPHIES]
Des cartographies originales
Après deux journées de va-et-vient entre marches exploratoires à travers l'Île et travail de formalisation en salle, les équipes sont invitées à restituer leurs travaux en projetant les calques réalisés accompagnés du récit de leurs investigations. La méthodologie heuristique du workshop a pour principe de laisser une large marge de manœuvre aux équipes dans le choix des sujets et des modes de représentation, par la mise à disposition d’un jeu de données ouvert et protéiforme, qui permet, d’investir aléatoirement un sujet « non cadré »,
au départ.
EQUIPE 1 : Les transects versus les quartiers
L’équipe 1 recoupe plusieurs variables morphologiques afin d’élaborer un transect de l'Île (une ligne virtuelle ou physique qui permet d’étudier un phénomène en comptant ses occurrences).
EQUIPE 2 : Les gradients d’urbanités
L’équipe 2 se penche sur les mutations historiques de l'Île de Nantes et les marqueurs émotionnels correspondants pour former des gradients entre zones consensuelles et zones mixtes.
EQUIPE 3 : Une investigation pointilliste des frontières urbaines
L’équipe 3 explore la mystérieuse zone industrielle de l'Île à la manière d’un espèce d’espace en relevant les zones de frontières urbaines et leurs marqueurs physiques ou symboliques.
EQUIPE 4 : Les zones et les fils d’un « certain urbanisme de l'Île »
L’équipe 4 met en relief un fil de la tristesse en recoupant plusieurs données d’analyse des usages et occupations de différents espaces.
III PERSPECTIVES
La conception du workshop « données situées et cartographie sensible » recouvre plusieurs intérêts au regard des pratiques de projet en design et en urbanisme.
[DIMENSIONS]
Un workshop collaboratif à plusieurs dimensions
La formalisation d’un langage plastique permettant d’exprimer - et de comparer- les multiples dimensions de la notion d’Habiter, la représentation de la part subjective intangible et de l’épaisseur d’un fait urbain complexe constitue un premier défi technique à relever pour la pratique du design graphique. Le design interactif et l’apport de données numériques permet en retour d’affiner les résultats de l’exercice cartographique en imaginant une large palette d’applications. Ces deux facettes du workshop s’enrichissent d’une troisième dimension collaborative liée au travail en équipe et inter-équipe, grâce à l’application web Millefeuille.
[PROJETS]
Une méthode approfondie de co-construction de projets ou d’objets
Ce type de workshop permet aux participants de mieux conceptualiser et investir leur territoire, leur manière d’y habiter, de l’appréhender, de le décrypter. Il représente un format adapté à des processus de co-construction de projets de design d’applications ou d’objets cartographiques, ou encore de projets urbains dans le cadre de démarche de participation. Développé sur un temps long - par exemple sous forme de cycles thématiques - adaptés aux différents publics et enrichi de méthodes d’analyse de données, il constitue un medium idéal pour mener une investigation approfondie, méthodique et immersive du territoire.