Battre aux rythmes de la ville
Que le temps passe vite...
Ce sixième cycle de publication s'ouvre avec la même envie : partager une large diversité de regards critiques sur les enjeux contemporains des villes et des territoires. Il s’avère que nous sommes nombreux à souhaiter un renouvellement et une prise de distance sur ces sujets qui nous passionnent.
Ces derniers mois, nous avons vécu la ville à un autre rythme : paralysée par la crise sanitaire, pressée par l’urgence climatique, immuable aussi dans sa capacité à réinventer ses solidarités, ses usages, etc. Nous avons ainsi mesuré combien les activités de nos sociétés et l’intensité de nos modes de vies marquent le pouls de nos territoires. Ce sont ces rythmes que nous souhaitons interroger, afin d’identifier les espaces de respiration comme les effets de saturation, de mesurer le temps d’une ville à vitesse humaine, de peut-être pouvoir mettre un frein à l’accélération du monde.
Une ville à tempo humain
La ville en flux continu, celle du 24/7 et de notre soif de l’instantanéité, bouleverse notre rapport à la cité. Produit-elle une expérience urbaine soutenable ? Permet-elle une démocratie continue, soigneusement
renouvelée ? Accentue-t-elle les ségrégations dans une citoyenneté fragmentée ? La ville de la nuit venue,
de l’interlope, du lâcher-prise ou du slow peut-elle vraiment exister entre les heures de pointe ? Les rythmes de la ville donnent à voir les rythmes de nos activités, de nos loisirs, de nos façons d’habiter ou de nous déplacer. Les travaux de Paul Virilio ou Hartmut Rosa, tout comme les œuvres de nombreux artistes, nous aident à penser et appréhender ces rapports complexes au temps dans nos espaces quotidiens.
Le temps comme matière urbaine
En même temps qu’il semble nécessaire de plonger dans les méandres de la prospective ou de l’archéologie urbaine pour saisir l’emprise du temps sur la ville, celui-ci s’impose aujourd’hui comme une matière première de l’urbanisme et de l’architecture : le logement modulable, l’urbanisme tactique et temporaire, le commerce éphémère, les tiers-lieux... Comment articuler les rythmes des villes aux besoins des habitants ? Comment les adapter afin qu’ils ne soient pas facteurs d’exclusion ou de mal-être ? Comment les ménager afin de façonner une ville existentialiste et écologique, adaptée à l’Homme et à la nature, respectueuse des âges et des saisons ? Chronotypes, chronotopes, rythmologie, bureau des temps... il semble nécessaire de renouveler les méthodes, les outils et les approches. L’occasion de débattre des rythmes de nos vi(ll)es !
Reprendre la ville
Depuis quatre numéros déjà, notre ligne éditoriale est constante : s’intéresser aux villes et aux territoires à travers le regard d’une diversité de contributeurs. « Usages », « citoyennetés », « désirs », « visages », c’est avec vous que nous interrogeons les conditions de vie en commun au sein de nos espaces quotidiens. Nous avons pour cela fait le choix de donner une large place à ce que la société civile soulève comme questionnements et aux idées nouvelles qu’elle propose pour la fabrique, l’animation et l’appropriation des territoires. En filigrane, nous mettons en lumière les relations, bien trop distantes, entre usagers et décideurs ainsi que l’attente d’une gouvernance mieux partagée avec les citoyens. Alors que cette attente se fait urgence et nous interpelle directement dans nos domaines de prédilection, nous vous invitons aujourd’hui à « Reprendre la ville » !
À qui appartient la ville ?
Reprendre la ville, c’est évidemment s’intéresser aux jeux de pouvoirs complexes qui structurent nos territoires, les interpeller et les interroger à l’aune des nombreuses remises en question des modes de gouvernance traditionnels, d’un climat de défiance croissant vis-à-vis des systèmes politiques ou encore de l'apparition de nouveaux acteurs démocratiques. Nous vous invitons à répondre à cette question rhétorique : « à qui appartient la ville ? ». Il s’agit tout autant d’expliquer les origines du panorama actuel que d’analyser l’évolution plus récente des jeux d’acteurs, des nouveaux tandems public-privé, des pratiques professionnelles et des leviers de la démocratie participative, pour évaluer leurs impacts et leur capacité réelle à produire les changements nécessaires dans la production urbaine.
Prendre part pour agir
Reprendre la ville c’est aussi s’engager pour agir. S’engager tout d’abord à reprendre nos esprits à l’heure d’une crispation des postures intellectuelles, alors que chacun se revendique, à tort ou à raison, de l’inclusion et de la résilience et que le participative-washing produit plus de frustrations que d’urbanité. S’engager aussi à prendre part à ces débats et permettre d’une part à chacun de se réapproprier les choix politiques et d’autre part d’inscrire à l'agenda des élus les attentes collectives autour de l’action publique locale. L'échéance rapprochée des élections municipales de 2020 nous invite à une reprise collective de ces enjeux politiques et urbains. Cinquante ans après « Le droit à la Ville » d’Henri Lefebvre, nous devons encore et toujours ouvrir les marges de manœuvre des citoyens et valoriser leur capacité d’amélioration du vivre-ensemble et du cadre de vie.
Nouveaux visages de la ville active
Qu’il s’agisse de la fabrication de produits ou de la mise à disposition de services, les activités économiques recouvrent une très large diversité de secteurs, avec pour chacun des modèles spatiaux spécifiques. Certains d'entre eux, comme l’urbanisme des zones industrielles et commerciales ou des quartiers d’affaires voire même des parcs de loisirs, se sont développés de manière intense et n’ont été remis en cause que récemment, face au constat de leurs propres crises.
L'expansion galopante des zones d’activités économiques et commerciales alarment les défenseurs de la ville durable et les dénonciateurs de la “France moche”. Dans le même temps, les centres des villes moyennes et des villages se dévitalisent et continuent de se vider de leurs habitants, avant même l’épuisement de leurs ressources.
Difficultés croissantes de l’économie industrielle ou des zones rurales, émergence d’une troisième révolution industrielle et d'une “révolution numérique”, entraînent l’apparition de nouvelles formes urbaines de l’économie productive. De profondes mutations de l’activité, inscrites dans les évolutions technologiques et sociétales, sont à l’oeuvre au sein des territoires. Il devient dès lors indispensable de repenser les lieux de l’activité et leur articulation avec l’écosystème urbain et les synergies territoriales.
Pour ce quatrième cycle, nous sommes heureux d'inviter le collectif Point Virgule à nous rejoindre pour prospecter ensemble sur les nouveaux visages de la ville active !
Habiter, des désirs au projet
Les récentes crises migratoires et celles du logement nous rappellent ce que l’habitat a d’essentiel : offrir un abri, répondre à un besoin primaire de sécurité, construire une intimité. Mais d’autres dimensions (sociales, culturelles ou fonctionnelles) entrent en jeu. Elles donnent lieu à cette diversité de lieux de vie : de la métropole au village, de la tour au pavillon individuel, du quartier « populaire » à celui plus « bourgeois », en passant par le lotissement ou l’éco-quartier.
Désiré, choisi ou subi, notre « parcours résidentiel » influence nécessairement nos modes de vie.
Habiter : produit ou projet ? La réponse implique à la fois le choix du lieu d’habitation, de sa forme architecturale, de son mode de fabrication, de son statut juridique ou encore même de son prix. Elle demande aussi d'appréhender de nombreuses échelles géographiques, dans lesquelles s'inscrivent nos trajectoires résidentielles.
Qui habite ici, ou là ? Comment et pourquoi ? Du logement au quartier, tant de lieux habités révèlent de nouvelles formes de société et de sociabilité contemporaines.
Migrations, mobilités résidentielles, déplacements pendulaires... ces flux constituent des phénomènes complexes, aux motifs variables. Ils se traduisent dans l'urbanisation des territoires ; ils appellent des politiques publiques qui tentent d'orienter la répartition et l'accessibilité de l'offre en logements.
Ainsi, des tendances de fond en matière d’habitat se dessinent. Divers acteurs, privés ou publics, s'engagent et se saisissent de ces problématiques : partons à leur rencontre.
Natures urbaines et citoyennetés
Nous nous intéressons pour ce second cycle à l’actuel profond renouvellement des liens entre ville et nature. Au-delà même de ses manifestations ornementales ou de ses enjeux environnementaux, la nature en ville est aujourd’hui plébiscitée, revendiquée et investie par les citadins à travers diverses pratiques de leur quotidien.
La nature en ville, la nature entremêlée à l’urbain, joue en effet aujourd’hui de nombreuses autres fonctions : récréatives, productives, pédagogiques, contemplatives, artistiques, etc. mais ont-elles vraiment toutes droit de cité ?
Forêts, massifs et parcs, friches et délaissés, berges et cours d’eau, espaces agricoles : il peut s’agir d’une nature urbaine héritée (celle d’un site géographique, d’un paysage vernaculaire), d’une nature aménagée (accompagnant tel ou tel projet), d’une nature ressource (d’un droit à un environnement sain), etc.
Ce sont donc, en réalité, diverses « natures urbaines » qui s’inscrivent au cœur des débats et des engagements de la citoyenneté urbaine contemporaine.
Ces « natures urbaines » peuvent ainsi accueillir de nombreux projets associatifs, ou le développement d’initiatives civiques, de modèles économiques alternatifs... elles sont au centre de la création de projets collectifs, de différentes mobilisations militantes, etc. Elles font également l’objet de revendications, de certaines formes d’activisme, qui les placent au cœur des débats sur les politiques locales de nos villes.
Dans un contexte social et économique relativement critique, elles jouent donc un rôle révélateur des transformations sociales contemporaines.
Villes, usages et numérique
Après une longue attente, presque une éternité, nous voilà maintenant connectés !
Tout d’abord grâce à ce site, première pierre à l’édifice Sur-Mesure, que toute l’équipe est heureuse de vous présenter. Un site gratuit qui publiera, autour d’un thème semestriel et à travers cinq rubriques, des contributions aux formats variés. Notre volonté : construire un espace ouvert à la diversité des regards, un espace de témoignage, d’investigation et de réflexion sur les territoires vécus et les espaces du quotidien.
Connectés, c’est aussi le sujet de ce premier cycle. Nous y interrogeons la relation ambivalente que nous entretenons avec le numérique dans notre rapport à l’espace, à la société, et leurs conséquences sur la vie des territoires. Nous ouvrions ainsi l’appel à contribution avec cette question générale “nos villes, nos usages, dopés au numérique : la performance à quel prix ?”
C’est tout autant au citoyen, au chercheur, à l’artiste ou au professionnel que nous nous adressons : à leurs lectures sensibles et critiques de cette supposée urbanité numérique, produit d’une interface tout à la fois technologique et digitale, réelle et virtuelle, libératrice et aliénante. C’est eux qui vont, au fil des prochaines semaines, nous aider par exemple à dénouer la complexité apparente d’un concept tel que celui de “ville intelligente”, à mettre en récit le numérique autour de situations vécues.
Bien plus qu’un site internet, Sur-Mesure c’est également un événement dédié et une édition papier. Chaque cycle intègre un moment de rencontre et de coproduction entre lecteurs et contributeurs, professionnels et néophytes, et se conclut par l’édition d’une revue papier, objet inédit qui viendra restituer l’ensemble du débat.