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    Maider Lopez - La Corde Crédit photos : Élisa Murcia‑Artengo
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    Ox - Besançon 2011 - 1 Crédit photos : Ox
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    ESPO Stephen Powers - Billet doux Crédit photos : William Henrion
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    The Wa - Con-vaincu Crédit photos : David Demougeot
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    Olivier Grossetete - Construction monumentale participative en cartons Crédit photos : Élisa Murcia‑Artengo
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    Pensées privées pour espace public - Akay & Rae Crédit photos : Élisa Murcia‑Artengo
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    Depressed - Brad Downey Crédit photos : David Demougeot
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    Les Schizophones - Pierre Laurent Cassière Crédit photos : David Demougeot
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    Sentier de découverte de la Bouloie - Collectif bim & Atelier Bivouac Crédit photos : Nicolas Waltefaugle
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Maider Lopez - La Corde Crédit photos : Élisa Murcia-Artengo
Reprendre la ville

Art dans et (avec) l’espace public

retour sur 10 ans du festival BIEN URBAIN à Besançon

Depuis bientôt 10 ans, le festival BIEN URBAIN revient chaque année à Besançon. C’est l’occasion d'échanger avec les membres de l’association, sur la place de ce festival, sur les liens tissés avec les habitants, la démarche, les éventuelles critiques et limites aux interventions artistiques dans l’espace public.

C’est en parcourant un itinéraire habituel que j’ai constaté une peinture intrigante sur la façade d’un bâtiment, ce moment où vous vous dites « Tiens, je n’avais jamais fait attention ». En réalité, l’œuvre de Jiem « La peinture à l’ancienne » fait partie d’une des 265 œuvres créées dans le cadre du festival BIEN URBAIN organisé par l'association Juste Ici à Besançon. Depuis 2010, ce festival mêle peintures murales, street art, performances, avec la participation d’environ 15 artistes par édition. En tout, 265 œuvres, 116 artistes et 26 nationalités ont été représentés.

Entretien réalisé auprès de David Demougeot, fondateur et directeur artistique & Johanna Romary, responsable du pôle actions culturelles de l’association Juste Ici.

Sur-Mesure : Art dans et (avec) l’espace public : Pouvez-vous nous raconter la genèse du festival ? Quelles ont été vos motivations pour créer ce festival ?

Au départ, c’est l’idée collective de monter une association pour la création de projets artistiques dans l’espace public, c’est comme cela que Juste Ici est né en 2011. Nous adorions l’art urbain de la décennie passée et ne voyions les artistes travailler hors de leurs villes non dans l’espace public mais dans des galeries, hors contexte urbain.

Ce qui nous stimulait c’était l’espace public entendu à la fois comme cadre des interventions artistiques et comme sujet.

À l’époque, la volonté de notre collectif était de lier, d’une part, commandes artistiques et travail dans l’espace public dans un cadre légal, et, d’autre part, de s’affranchir de la question de la « fréquentation » du milieu culturel : s’adresser à tout le monde, directement et sans chercher à attirer un « public » spécifique.
La démocratisation de l’art est un but pour tous les lieux culturels mais pour nous, développer une proposition artistique dans l’espace public permet de confronter directement l’œuvre à un public, d’ancrer une pratique artistique dans son quotidien. Le sous-titre du festival vient de cette idée, on est très attaché à la formule « dans et avec » l’espace public.
Le festival a réussi par ailleurs à trouver sa place dans le cadre culturel bisontin. La ville était dans une période creuse en termes de propositions artistiques hors des équipements en 2009, suite à l’échec du festival Sonorama, ce qui a sans doute aidé à développer et à asseoir ce festival sur la durée et à avoir l’écoute des élus.

Sur Mesure : En France, le street art est devenu très à la mode. Dans sa contribution au cycle 5, l’artiste Bock indique parler de graffiti plutôt que de street art, terme qu’il juge fourre-tout pour qualifier ses interventions. Art urbain, street art, est-ce la même chose ?

Il est vrai qu'aujourd'hui le terme de street art reste un mot valise, on a tendance à tout qualifier de street art. On pourrait dire que l’art urbain n’est pas du street art mais que le street art et le nouveau muralisme 1 sont des forme d’art urbain.

On n’utilise jamais le terme street art et on s’inscrit aussi en porte-à-faux avec les idées d'embellissement telles qu’elles peuvent être portées dans d’autres villes comme à Paris dans le XIIIe arrondissement. Nous ne sommes pas dans une démarche de création d’un musée ou d’un parcours en plein air, potentiel moteur à l'attractivité touristique de la ville.

Dans ces exemples, c’est aussi une sorte d’entre-soi qui est cultivé, entre une galerie qui conseille et commande les œuvres pour la mairie d’arrondissement et une forme de communication politique. Ce que l’on essaie de faire à Besançon est de travailler avec plusieurs artistes qui créent des œuvres uniques, certaines éphémères et en lien direct avec leur environnement.

Si le terme street art est très peu clair, nous avons par contre très vite senti le besoin de documenter ce qu’est l’art urbain. Comme tous les mouvements, il nécessite d’être critiqué pour être compris, aider à faire la part des choses entre les différentes démarches, les niveaux d’appréhension esthétique, contextuels, etc. L’association développe, en parallèle de l’organisation du festival, un travail d’édition et de recherche dans ce domaine afin d’aider à développer un discours critique et théorique, de participer à la définition des codes en matière d’écriture et d’esthétique.
Bien qu’on ne produise pas des œuvres uniquement dans ce cadre (on travaille aussi avec des architectes, paysagistes, graphistes, chorégraphes...) on est arrivé à définir l’art urbain de la manière suivante.
Depuis les années 1960, l’art urbain regroupe les propositions artistiques protéiformes dans l’espace public. Aux origines illégales, subversives et éphémères, il s’agit en général d’œuvres ou productions plastiques prenant en compte le contexte de création de manière à le questionner, l'explorer, le marquer, le dégrader, le détourner ou le sublimer.
L’art urbain comprend plusieurs mouvements et familles comme le graffiti, le néo-muralisme et le street art (l'affichage, le pochoir, le sticker, le détournement, les performances, les installations, etc.). L'art urbain continue aujourd'hui de se renouveler dans ses formes et ses contextes.

Sur Mesure : Gentrification, embellissement, uniformisation d’un quartier, ce sont souvent des critiques que l’on peut entendre lorsqu’on parle d’art dans l’espace public. Comment réussissez-vous à dépasser et prendre en compte ces critiques ?

La plupart des œuvres de la première édition ont été réalisées dans le quartier Battant 2 avec l’aide du conseil de quartier. Pour eux, ces premières œuvres devaient aider à lutter contre l’image négative du quartier : vacances des commerces, devantures fermées, dégradations, … Pour nous, c’était l’occasion de faire intervenir des artistes dans le quartier historique et populaire qu’on connaissait le mieux, car on y vivait !
Alors, oui, la question de la gentrification se pose, notamment pour ce quartier. C’est une critique qui nous a été faite. En faisant intervenir des artistes, nous pouvons participer à une certaine invisibilisation de la pauvreté parce que dans un temps donné, on parle du quartier pour l’art et pas pour la pauvreté. On est conscient de cet écueil que peuvent avoir les interventions artistiques dans l’espace public. Beaucoup de collectifs d’habitants à Montréal, Berlin ou Miami - comme dans le quartier WynWood - s’opposent à ces manifestations artistiques qui peuvent tourner trop rapidement les projecteurs sur un quartier et le modifier sans prendre en compte le déjà-là.

Pour nous, l’essentiel est d’accompagner chaque intervention. Notre travail et celui des artistes est toujours pensé dans une démarche bottom-up : partir du contexte, des lieux, des gens, de l’ancrage sur le terrain, de l’histoire de la ville.

C’est avant tout raconter une histoire commune. D’ailleurs, quelquefois, les artistes invités sont gênés à l’idée d’intervenir sur un patrimoine historique aussi important. Enfin, les interventions artistiques proposées ne sont pas que des œuvres murales, il peut s’agir de performances, d’œuvres sonores, d’installations, d’œuvres éphémères, de rencontres artistes-habitants. Certaines œuvres restent mais beaucoup ont disparu avec le temps.
C’est aussi cette appréhension du temps long qui est intéressante dans l’art urbain : on peut être à la fois dans l’instantané d’une performance, dans la disparition d’une œuvre, dans sa dégradation dans le temps. On réinterroge sans cesse la notion d’œuvre d’art.
Nous nous engageons également dans un temps long : en 2013, dans le cadre du programme européen Recover the Streets et de notre programme les Ateliers Juste Ici, nous sommes intervenus dans une dent creuse du quartier Battant, en ouvrant un nouvel espace public auparavant grillagé, aménageant des jeux bricolés, des jardinières, des peintures, une micro-exposition en lien avec les associations du quartier et les habitants. Aujourd’hui, cet espace est toujours investi par les habitants, sans nous : jardinage, balançoires artisanales… Nous impulsons des initiatives, nous faisons des propositions mais nous n’en sommes pas propriétaires.

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Ateliers Juste Ici - Quartier Battant Crédit photos : Élisa Murcia‑Artengo

Enfin, en parallèle de l’organisation du festival, nous avons mis en place un programme d’éducation artistique et de projets de territoire. Nous menons des ateliers de pratiques artistiques en collaboration avec les artistes et les habitants et intervenons dans les écoles, collèges, lycées ou maisons de quartier depuis plusieurs années. Là encore, nous privilégions les interventions sur plusieurs semaines, ou nous nous inscrivons dans des programmes existants, comme le dispositif Collège et art contemporain ou le contrat de Ville. Par exemple, l’artiste Eltono est intervenu pendant 3 ans auprès d’élèves d’écoles primaires des quartiers de le Grette et la Butte pour les initier à la pratique artistique en ville et réaliser de nombreuses œuvres avec eux !

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Ateliers avec Eltono Crédit photos : Nicolas Waltefaugle

On est conscient que l’art urbain, comme l’art contemporain, a aussi besoin de médiation. Les ateliers menés dans le cadre des programmes d’éducation artistique sont un moyen pour les enfants et les adolescents d’être en interaction avec le territoire qui les entoure, travailler collectivement, expérimenter… C’est aussi le but des rencontres que nous organisons pendant le festival avec les habitants.

Sur Mesure : Rapport à l’espace public, rapport aux publics : Le thème de ce cycle « Reprendre la ville » invite à s’intéresser aux jeux de pouvoirs, aux nouveaux acteurs... Comment les artistes peuvent-ils nous interpeller sur cette question, est-ce leur rôle ? Montrer le réel avec un autre regard, est-ce cela la force de l’intervention des artistes dans l’espace public ?

Plutôt que les publics, la question des citoyens a été au cœur du projet de notre association. Étrangement, nous ne pouvons pas parler de publics cibles dans le cadre de ce festival. Nous n’avons pas de publics, ni d’objectifs de fréquentation. Ce qui est intéressant avec l’art dans l’espace public c’est que tout un chacun peut être un public ou un passant. Les interventions se fondent dans le paysage, elles font partie du quotidien, c’est la population qui devient public. Une œuvre peut potentiellement avoir des milliers de vues, nous n’en saurons jamais rien. Les œuvres peuvent laisser le public indifférent ou interpeller, c’est ce pas de côté que nous essayons de produire avec les artistes.
Dans la mesure où l’association assure la direction artistique en collaboration avec un artiste associé, le regard que porte chaque artiste invité à participer est très personnel. Nous ne fonctionnons pas par appel à projets, les propositions peuvent être plus militantes que d’autres.
Cela a été le cas d’Anaïs Florin lors de l’édition de 2019 avec son intervention « Les Vaîtes avant l’écoquartier » qui avait pour sujet le projet de l’écoquartier des Vaîtes 3 dans un quartier maraîcher historique de Besançon. À travers un travail immersif parsemé de rencontres avec les jardiniers et habitants de ce quartier, son intervention met en exergue les incohérences des pouvoirs publics dans l’acte de construire.

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Anaïs Florin - Nos jardins Crédit photos : Kristina Bohres

C’est aussi le cas de Brad Downey, l’artiste associé à l’édition de 2018, qui réalise des sculptures ou performances éphémères avec la ville comme scène et comme matériau, interrogeant les limites de nos démocraties occidentales.

Parfois, certaines propositions sont plus conceptuelles, minimalistes, elles peuvent dérouter. Nous ne cherchons pas à chaque fois l’adhésion ou la participation, il faut accepter que certaines interventions soient peut-être invisibles, provocantes ou de simples moments de contemplation.

Sur Mesure : Quelques avant-premières pour cette 10e édition?

La dixième édition devait commencer en juin mais étant donné le contexte actuel la programmation est reportée.
L'association fêtera donc ses dix ans dans un an, rendez-vous à Besançon du 04 au 20 juin 2021 !

En attendant, on peut découvrir toutes les œuvres réalisées depuis 2011 depuis son ordinateur :
ICI


  1. En histoire de l’art, le muralisme fait référence au courant artistique né au Mexique au début XXe siècle, incarnant les nouvelles idéologies révolutionnaires du Mexique moderne dont les représentants les plus connus sont Diego Riviera, José Clemente Orozco et David Alfaro Siqueiro.
    arte.tv/fr/videos/091742-000-A/le-muralisme-un-street-art-mexicain 

  2. Quartier Battant, un des plus anciens quartiers de la ville de Besançon, faubourg peuplé des vignerons puis horlogers de la ville jusqu’au XIXe siècle, secteur sauvegardé depuis 1964, le quartier Battant reste un des quartiers dits populaire du centre ancien. Une importante campagne de rénovation de l’habitat au début des années 80. 

  3. Lien vers le site du projet d’aménagement de l’écoquartier des Vaîtes
    Lien vers l'association les jardins des Vaîtes