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    La porte d’Hadrien est, de ce que j’ai vu grâce aux touristes, toujours prise en photo de l’autre côté de l’avenue, en miroir de mon image. De leur côté, la porte d’Hadrien enserre l’Acropole dans son arche. C’est majestueux et envoutant ! Ici j’ai volontairement tourné le dos à ce qui fait que l’on vient à Athènes : les ruines magistrales et l’histoire de l’Antiquité, son cœur même, son image d’Epinal. Je voulais proposer un autre chemin pour découvrir un autre attrait de l’histoire de la ville.
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    Rue Ilia Poulopoulou et Rue Amfiktionos. Deux étapes de la vie des bâtiments néo-classiques athéniens. L’un qui a perduré malgré le passage du siècle : rue Ilia Poulopoulou, un peu en retrait de la promenade la rue Dionysiou Areopagitou qui mène jusqu’au pied de l’Acropole.
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    Une autre habitation, rue Amfiktionos, toute proche de la rue Poulopoulou, va malheureusement tomber dans l’oubli.
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    Rue Ermou. Les deux angles de la rue Ermou avec deux bâtiments séparés de quelques dizaines de mètres. Aux dernières nouvelles, l’un des deux immeubles était en rénovation.
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    Rue Ermou. Les deux angles de la rue Ermou avec deux bâtiments séparés de quelques dizaines de mètres. Aux dernières nouvelles, l’un des deux immeubles était en rénovation.
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    Immeubles et habitations, le long de l’avenue Pireos, gigantesque avenue qui descend de la place Omonia, presque d’un trait et quelques virages, jusqu’au Pirée. Même en voiture, il faut un certain temps pour le faire…
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    Immeubles et habitations, le long de l’avenue Pireos, gigantesque avenue qui descend de la place Omonia, presque d’un trait et quelques virages, jusqu’au Pirée. Même en voiture, il faut un certain temps pour le faire…
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    Immeubles et habitations, le long de l’avenue Pireos, gigantesque avenue qui descend de la place Omonia, presque d’un trait et quelques virages, jusqu’au Pirée. Même en voiture, il faut un certain temps pour le faire…
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    Retour sur les contreforts de la colline de l’Acropole. Deux photos sélectionnées parmi un panorama plus large qui mêle résidence moderne, habitation du début du siècle et bâtiment néo-classique.
    Immeubles et habitations, le long de l’avenue Pireos, gigantesque avenue qui descend de la place Omonia, presque d’un trait et quelques virages, jusqu’au Pirée. Même en voiture, il faut un certain temps pour le faire…
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    Retour sur les contreforts de la colline de l’Acropole. Deux photos sélectionnées parmi un panorama plus large qui mêle résidence moderne, habitation du début du siècle et bâtiment néo‑classique.
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    Rue Trion Ierarchon. Vue d’un angle de rue « typique » des quartiers et faubourgs d’Athènes : une habitation du XIXe entourée d’immeubles résidentiels des années 1960 et 1970. Elle peut concrètement témoigner à elle seule, de l’abandon des bâtiments anciens, qui reste dans un entre-deux temporel oscillant lui aussi entre beauté d’un passé révolu et notre propre circonspection face à cette vision.
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    Nea Kokkinia. On passe un cap géographique et humain pour plonger dans la deuxième partie de ce portfolio avec les espaces géographiques où les classes sociales créatrices du rébétiko ont vécues.
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    Nikaia a abrité une partie des réfugiés d’Asie Mineure après 1922. Pour plus de détails et de précisions sur ce quartier, je ne peux que conseiller de lire (en anglais) ce passionnant article d’Alexandra Mourgou.
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    Nikaia a abrité une partie des réfugiés d’Asie Mineure après 1922. Pour plus de détails et de précisions sur ce quartier, je ne peux que conseiller de lire (en anglais) ce passionnant article d’Alexandra Mourgou.
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    Nikaia a abrité une partie des réfugiés d’Asie Mineure après 1922. Pour plus de détails et de précisions sur ce quartier, je ne peux que conseiller de lire (en anglais) ce passionnant article d’Alexandra Mourgou.
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    Nikaia a abrité une partie des réfugiés d’Asie Mineure après 1922. Pour plus de détails et de précisions sur ce quartier, je ne peux que conseiller de lire (en anglais) ce passionnant article d’Alexandra Mourgou.
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    On poursuit dans le quartier d’Aghia Sofia, sur les hauteurs de la ville du Pirée.
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    On poursuit dans le quartier d’Aghia Sofia, sur les hauteurs de la ville du Pirée.
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    Au-delà du port du Pirée, se trouve la ville de Drapetsona. Comme Kokkinia, Drapetsona est un haut lieu de l’émergence du rébétiko.
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    Au-delà du port du Pirée, se trouve la ville de Drapetsona. Comme Kokkinia, Drapetsona est un haut lieu de l’émergence du rébétiko.
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    Au-delà du port du Pirée, se trouve la ville de Drapetsona. Comme Kokkinia, Drapetsona est un haut lieu de l’émergence du rébétiko.
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    Fin du périple à Lipasmata dans la ville de Drapetsona avec deux images extraites d’un panorama plus large, qui mêle résidences modernes avec en premier plan des tas de gravats, restes présumés d’usines où d’autres bâtiments et sur l’autre image, une usine encore debout mais pour combien de temps.
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    Fin du périple à Lipasmata dans la ville de Drapetsona avec deux images extraites d’un panorama plus large, qui mêle résidences modernes avec en premier plan des tas de gravats, restes présumés d’usines où d’autres bâtiments et sur l’autre image, une usine encore debout mais pour combien de temps.
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La porte d’Hadrien est, de ce que j’ai vu grâce aux touristes, toujours prise en photo de l’autre côté de l’avenue, en miroir de mon image. De leur côté, la porte d’Hadrien enserre l’Acropole dans son arche. C’est majestueux et envoutant ! Ici j’ai volontairement tourné le dos à ce qui fait que l’on vient à Athènes : les ruines magistrales et l’histoire de l’Antiquité, son cœur même, son image d’Epinal. Je voulais proposer un autre chemin pour découvrir un autre attrait de l’histoire de la ville.
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Au son du rébétiko

une histoire musicale des quartiers populaires d’Athènes

Cette déambulation nous conduit dans les rues des quartiers populaires athéniens, nourrie d’une passionnante lecture des migrations qu’a accueillies la capitale grecque. Une vingtaine de clichés qui témoignent d’une certaine mélancolie urbaine, celle d’un patrimoine moderne délabré, de belles demeures en ruines, dans lesquelles se fait entendre une musique issue de cette histoire singulière : le rébétiko.

Un voyage en famille, dans les années 1990 à Athènes, m'a fait découvrir cette gigantesque hydre de béton. Je garde encore en mémoire de ces instants les odeurs d'oranges amères, de la moiteur et d'une chaleur écrasantes, des pastèques qui tombaient d'un pick-up bleu plein à craquer ; elles se fracassaient sur le goudron brûlant de l'avenue qui menait je-ne-sais-où depuis l'aéroport. Depuis plusieurs années, des rencontres et des amitiés m’y ont conduit à de nouvelles reprises. Athènes ne me quitte plus et j’ai toujours une bonne raison pour y retourner : la musique et les errances dans les quartiers où peu de voyageurs vont, hormis les athéniens.

Comme un air familier d’Athènes

J’ai toujours eu un attrait pour les styles d’architectures qui évoquent un mode de vie et des ambiances de nos jours oubliés. La ruine moderne et contemporaine provoque chez moi de fortes émotions et font surgir dans mon esprit des visions et des ambiances d’un passé révolu. Athènes regorge de trésors architecturaux néo-classiques du XIXe siècle qui activent assez instinctivement chez moi la machine à rêves.

Pour chaque projet personnel, je préfère me concentrer sur les marges et les à-côtés dont on ne fait pas ou plus attention. Je préfère me focaliser sur ce qui demeure presque invisible, ce qu’on aurait trop vu et à quoi on ne prête plus la moindre attention ou presque. A Athènes, je souhaitais m’orienter vers ce qui révèle les traces d’un passage des Hommes dans les immeubles ou les maisons. Ces constructions demeurent dans un entre-deux temporel, sans fonction : ni habitées ou vraiment animées, mais pas encore disparues... Je voulais rendre grâce par mes longues marches urbaines et photographiques, à la singularité architecturale des constructions du XIXe siècle, en proie à un déclin inéluctable.

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Cette approche de la découverte de la ville me questionne plus que de labourer un terrain davantage saturé, même si, à Athènes particulièrement, les sites antiques sont sublimes voire mystiques et que nombres d’expositions ou publications1 pourraient encore longtemps rendre honneur à la majesté des lieux. Ces lieux sont aussi, à mon sens et même si j’en suis partie prenante, irrémédiablement associé à un surtourisme étouffant. Les critiques et analyses liées à la surexploitation des espaces et des lieux touristiques doivent être partagées ; elles le sont déjà grâce à la photographie avec le concours des sciences humaines et sociales.

En 2021, de retour à Marseille de l’un de mes voyages improvisés dans la capitale grecque, je me plongeais dans l’écoute obsessionnelle – comme pour me souvenir des moments passés dans la ville – d’une culture musicale qui me colle depuis lors à la peau : le rébétiko. Très vite, grâce à une curiosité maladive pour l’histoire, notamment sociale de cette musique, j’ai appris et compris les provenances géographiques et sociologiques des créateurs du rébétiko et de ses sonorités, métissées entre orient et occident. Malgré ma méconnaissance d’alors, cette musique m’emportait vers les rivages lointains de la mélancolie.

Les quartiers athéniens de la grande catastrophe

Un petit point d’histoire est nécessaire. Il faut revenir aux débuts des années 1920 et à des moments tristement cruciaux pour l’histoire et le destin de la Grèce moderne : La Grande Catastrophe2. Cet épisode encore très vif dans le cœur des Grecs, a vu l’arrivée de plus d’un million de grecs d’Asie Mineure. Ces populations, souvent mal considérées, sont venu gonfler les chiffres des personnes qui avaient déjà gagné, aux fils des décennies précédentes, la capitale de l’Etat grec. Les réfugiés ont, pour certains, été contraints de vivre dans des bidonvilles dans les zones ouest et sud d’Athènes, créant de nouvelles villes et quartiers : Kokkinia, Nikaia, Drapetsona, pour ne citer qu’eux, qui comptent parmi les zones que j’ai explorées. Nous pourrions aussi citer Perama, Nea Smyrne et tant d’autres3.

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Les réfugiés, avec notamment leur culture musicale issue d’Asie Mineure, se sont mélangés aux populations, dont une grande part d’ouvriers, plus « occidentale » dans leurs cultures et modes de vies. Ces échanges, voulus ou non, qu’ils soient sociaux ou culturels, et plus spécifiquement musicaux, sont à l’origine de l’émergence du genre rébétiko dont on distingue différents styles, le piréotiko (du Pirée) et le smyrneiko (de Smyrne).

La ville au son de la musique rébétiko

Dès 2022, avec quelques bagages théoriques issues des lectures de l’histoire sociale et de la géographie du rébétiko4 – notamment les riches et passionnantes publications de Panagiota Anagnostou5 et des articles d’Alexandra Mourgou à ce sujet – j’ai arpenté les rues d’Athènes à la recherche des bâtiments issus des premières décennies du siècle dernier.

Les images de ce portfolio commencent au cœur de la ville d’Athènes, là où se concentre la majorité des flux touristiques et où se trouvent nombre de bâtiments de style néo-classique, encore debout ou cacochymes. Ils font l’histoire architecturale majestueuse et singulière de la capitale. Je me suis ensuite très vite dirigé vers les quartiers où les différentes classes sociales qui avaient été à l’origine de l’émergence du rébétiko vivaient. Au fil des images, défilent des habitations construites pour et par les classes bourgeoises et aisées, des bâtiments faits de bric et de broc, ceux des classes ouvrières, laborieuses et des réfugiés, ainsi que des zones de bidonvilles des quartiers environnants au Pirée.


  1. L’un des premiers à avoir photographié l’Acropole fut Joseph-Filibert Girault de Prangey en 1842 : voir le livre de Martin Parr, Acropolis Now

  2. Lire l’article du CNRS au sujet de La Grande Catastrophe. 

  3. Lire les chapitres (en anglais) du catalogue d’exposition Mikra Asia. Une partie de cette exposition, proposée par le Musée Benaki en 2022, m’était notamment en avant les travaux de chercheurs par des cartes les zones d’habitats précaires des réfugiés. 

  4. Ecouter la chanson Ta Kala Paidia de Sotiria Bellou, où elle espère passer deux heures de soirée rébétique entourés de bons amis et camarades à errer dans les quartiers de Drapetsona, Tabouria, Chatzikiriakio, Pasalimani (Le Pirée) et dans le centre d’Athènes : Plaka et Varvakeio (Halles à viandes). Ces différents noms de quartiers et de lieux sont des hauts lieux de la culture sociale liée au rébétiko. Kato Eki Sti Drapetsona, Markos Vamvakaris ou Drapetsona, Grigoris Bithikotsis, entres autres chansons. 

  5. Les représentations de la société grecque dans le Rebetiko, Panagiota Anagnostou et Rebetiko Neighbourhoods: Musical Encounters and Social Transformations in Drapetsona and Nea Kokkinia, Piraeus, Alexandra Mourgou. 

Pour citer cet article

Alexandre Fournier Biville, « Au son du rébétiko », Revue Sur-Mesure [En ligne], mis en ligne le 17/06/2024, URL : https://revuesurmesure.fr/contributions/au-son-du-rebetiko