Blaise et Henriette
Sonia Hasni nous apporte une tranche de vie à la « Rue de la Renardière », à travers un lien de voisinage incarné par deux personnages emblématiques du quartier, Blaise et Henriette. Une ambiance de village en ville, favorisée par une forme urbaine qui invite à la proximité. Des sociabilités rendues possibles aussi grâce à l’initiation et au respect de codes de savoir-vivre et d’usages. Démonstration des mécanismes d’accueil et d’intégration jusqu’à l’assimilation… sur laquelle pèsent le temps et les mutations qui l’accompagnent.
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« La rue de la Renardière, avec son joli nom bucolique, est une petite artère pavillonnaire coincée entre deux zones de grands immeubles HLM. Dans cette rue, on est un peu des privilégiés. On y trouve de petites maisons dotées de jardins bien entretenus, avec des parterres de fleurs et des coins potagers.
Il fait chaud au cœur de vivre dans cette rue, surtout grâce aux voisins. En effet, ils veillent les uns sur les autres dans une ambiance de village. Tout le monde se connaît ou presque »
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« Blaise et Henriette nous ont accueillis lors de notre installation dans cette rue, comme les gardiens du temple. Ils nous ont fourni les consignes de base pour pouvoir vivre et survivre dans cette rue : … »
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« Cela fait plus de 40 ans qu’ils ont emménagé dans cette rue ; on leur avait promis l’extension imminente de la ligne 11 du métro qui leur permettrait de rejoindre Paris en 20 minutes. Les travaux ont enfin commencé … en 2016 et la ligne sera utilisable en … 2022. Ils auront 77 ans… si tout va bien, mais ils n’auront plus rien à faire à Paris ! »
La rue de Belleville
Sous la forme incantatoire d’un « j’aime - j’aime pas », Khadidja Besseghir, habitante de la rue de Belleville, décrit le cosmopolitisme et l’animation débordante de son quartier. Une approche binaire - à l’image des besoins personnels et parfois conflictuels qui s’expriment et pèsent dans les choix résidentiels - offrant des clés de lecture sur la façon d’arpenter et de sélectionner des lieux de vie. Des lieux repères ou de rejet, signaux d’un mode de vie et de pratiques sociales. Elle nous rappelle qu’habiter c’est aussi occuper un espace plus large que celui du logement et des « lieux de l’habitude ». Vivre un lieu devient alors une expérience sensorielle et critique.
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Dans la rue de Belleville, j’aime :
« Le Bio en Ville qui me donne bonne conscience car j’y achète des fruits secs pour ne pas craquer sur une tablette de chocolat. »
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« Le cosmopolitisme du quartier. Toutes les langues se croisent. Un étudiant anglais qui parle avec son colocataire espagnol. Le primeur chinois qui peste contre son livreur. Le vendeur égyptien chez qui je me fournis en eau de rose qui parle au téléphone avec sa femme. »
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« Le couple d’indiens qui tient une boutique de bijoux en argent qui contribuent à mon style légendaire. Leur fils de 4 ans qui est trop mignon. »
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J’aime pas :
« Le Grec et le Mac Do qui me narguent les soirs où j’ai la flemme de cuisiner et que mon ventre affamé me dit « Vas-y c’est tellement bon ».»
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« Le concert quotidien que m’offrent les klaxons des voitures conduites par des automobilistes impatients et excédés par la circulation dense. »
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« Ces bobos qui viennent en éclaireur ouvrir la voie à d’autres bobos menaçant ainsi le cosmopolitisme du quartier et contribuant à la hausse des loyers. »
Le 14
Au hasard de réunions de quartier, Marina Seder Colomina rencontre une personne, qui vivait dans son appartement de la rue Louise Michel, cinquante ans avant elle. Elle nous ouvre alors les portes de son logement lilasien et nous offre une visite en miroir d’un lieu habité, au passé et au présent. « Chez elle » et « chez moi » ne sont qu’un seul endroit, certains équipements demeurent mais les espaces ont changé. Ce récit émouvant nous livre une approche historique et comparée de ce qu’était le quotidien d’une famille lilasienne il y a cinquante ans, et ce qu’il est aujourd’hui.
(audio: extrait_3.mp3)
« En sortant de la salle, elle m’a dit : « Tu habites très loin ? » ; typique question de politesse pour remplir les silences d’ascenseur. Mais ma réponse : « Ici à côté, dans la rue Louise Michel » allait nous changer la vie à toutes les deux. »
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« Cela faisait 50 ans qu’elle était partie de chez elle (chez moi) et elle allait y retourner. Quand elle est arrivée en haut de l’escalier, et qu’elle a mis la tête dans l’appartement, la première phrase m’a déjà confirmé mes soupçons : « Les radiateurs sont les mêmes que quand j’avais 3 ans ! ».
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« Elle est rentrée d’abord dans la chambre « de ses parents », celle qui est aujourd’hui la chambre d’une petite fille de 5 ans. Ensuite elle est passée dans la mienne, qui était aussi la sienne. Sauf que là où aujourd’hui nous avons un lit double, un armoire et un bureau pour travailler, ils avaient leur salon, avec un matelas dans l’angle qui était son lit, … »
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« Huit personnes habitaient avant chez moi…aujourd'hui on est trois. Cette rencontre a ouvert une voie pour elle, qui depuis me raconte des « nouvelles » aventures de chez moi …»
Un atelier d'écriture animé par Armel Veilhan à la Bibliothèque André Malraux de la ville des Lilas, réalisation par Olivier Ronfard.