Au-delà des manifestations physiques ou fonctionnelles des interactions entre les habitants d’un quartier et leur environnement, quelles peuvent être les conséquences de ces transformations ? Quelle importance revêtent-elles dans la relation de l’individu à la collectivité et de l’individu à son environnement ? Cette série photographique issue de l’étude du quartier de Palma-Palmilla nous apporte quelques réponses.
L’appropriation d’un espace peut être considérée comme un processus dynamique d’interaction d’un individu ou groupe d’individus avec cet espace, une forme relationnelle grâce à laquelle des liens sont établis entre le(s) individu(s) et ledit espace. « Un espace quelconque devient, à partir de cette relation, un lieu, il se charge de signification et il est perçu comme propre pour la personne ou le groupe, s’intégrant comme élément représentatif de l’identité » (Moranta & Urrutia, 2005) qui peut dès lors être individuelle, collective, sociale… Deux voies principales résument ces processus d’appropriations :
- l’action-transformation, qui modifie la forme, l’aspect ou le fonctionnement du site, de manière pérenne ou temporaire ;
- l’identification symbolique, qui décrit des processus affectifs, la charge émotionnelle qui s’établit au sein des lieux via des expériences propres ou historiques (Place de la Bastille, Place de la République à Paris…).
Les habitant tentent à la fois de combler certains manques et d’adapter leur quartier à leur manière d’habiter, le transformant en un lieu auquel ils peuvent s’identifier.
Ils jouent ainsi un rôle actif dans la définition de leur habitat.
Ces processus d’appropriation contribuent à la création d’espaces symboliques et au développement d’un sentiment d’appartenance. Ils créent pour les lieux concernés une évidente identité sociale - identifier l’environnement, être identifié par lui, s’identifier à lui. Le concept d’appropriation s’en trouve étroitement lié à celui d’identification, individuelle ou collective, avec un lieu déterminé et il en résulte ainsi que chaque lieu peut se voir identifié d’autant de manières différentes qu’il existe d’individus ou de groupes d’individus.
Lorsque les habitants de Palma-Palmilla, issus de leurs multiples provenances, ont été relocalisés dans ce quartier, ils se sont alors trouvés face à un « non lieu » (Augé, 1992), dans un quartier sans histoire, construit à l’écart de la ville, entourés de parfaits inconnus. À travers leurs interventions, ils tentent à la fois de combler certains manques et d’adapter leur quartier à leur manière d’habiter, en même temps qu’ils créent des liens affectifs à leur environnement, le transformant en un lieu auquel ils peuvent s’identifier. Ils jouent ainsi un rôle actif dans la définition de leur habitat.
Les habitants de Palma-Palmilla réussissent alors à rendre visibles des besoins et des manquements dans la planification urbaine du quartier. Ce faisant, dans cette redéfinition active de leur environnement résidentiel, peut-être inconsciemment, les « Palmilleros » ont exprimé des revendications, le besoin de se sentir représentés dans leur particularités : un acte politique puissant.
Palma-Palmilla est un quartier de Malaga en Espagne composé de sept ensembles de logements sociaux, allant de la maison individuelle aux tours de 15 étages, construits entre 1959 et 1975 pour reloger des familles de provenances très diverses : bidonvilles, habitats troglodytes et quartiers ouvriers en reconstruction.
Bibliographie :
Tomeu Vidal Moranta, Enric Pol Urrutia, La apropiación del espacio: una propuesta teórica para comprender la vinculación entre las personas y los lugares, Anuario de Psicología de la Universitat de Barcelona, 2005, vol. 36, nº 3, p.281-297
Marc Augé, Non lieux, introduction à une anthropologie de la surmodernité, Le Seuil, 1992