Un appel à projets pour expérimenter la mutation de 6 périphéries commerciales
En décembre 2017, le Ministère de la cohésion des territoires a lancé cet appel à projets. Cette démarche doit venir en soutien des collectivités souhaitant faire muter des zones commerciales en périphérie, caractérisées par l’apparition de friches et par une perte d’attractivité. La mise en œuvre de cet appel à projets repose sur un caractère expérimental nécessitant des moyens significatifs en ingénierie territoriale : mécanismes de programmation urbaine et commerciale, stratégie d’investissement des acteurs privés (investisseurs, enseignes) qualité urbaine des opérations d’aménagement, évaluation des besoins en logements et en commerces de proximité, montage d’opérations et outils fonciers, etc.
A travers cet appel à projets, il s’agit de faire émerger des « opérations-pilotes » pionnières et exemplaires. La démarche a également pour objectif d’alimenter la réflexion du gouvernement sur la revitalisation des villes moyennes dans une stratégie d’équilibre entre centre et périphérie, notamment en lien avec le programme « Action cœur de ville ».
Les résultats annoncés à l’été 2018 ont désigné 6 lauréats. Les critères étaient à la fois fondés sur la diversité des territoires (métropole, villes moyennes) et sur la pluralité des projets envisagés sur des secteurs en périphérie des centres-villes. Ainsi, Aix-Marseille Métropole a été retenue pour la mutation du secteur allant de la commune de Vitrolles à celle de Rognac le long de l’Etang de Berre ; l’entrée de Thiers, située sur la ville basse, a également été sélectionnée avec la restructuration souhaitée le long de la route départementale ; Limoges Métropole a été retenue pour son projet à l’entrée de sud de l’agglomération (Rue de Toulouse) ; la ville de Montigny-lès-Cormeilles, dans le Val d’Oise au nord-ouest de la région Île-de-France, dispose d’un projet ambitieux avec la mutation du site commercial en bordure de la RD14 ; le site de Pariwest qui s’étend sur la communauté d’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines accueille aussi un projet lauréat francilien ; enfin, le site de la zone commerciale Grand Large ZI1 de la ville de Saint-Pierre à La Réunion, contigüe avec le futur EcoQuartier de la Ravine Blanche, constitue le dernier site lauréat.
La définition d’un référentiel d’accompagnement pour capitaliser à l’échelle nationale
Au-delà des critères inhérents et nécessaires à tous les appels à projets nationaux, celui-ci est l’un des rares à porter sur l’aménagement commercial depuis l’Atelier national des territoires économiques (qui s'est achevé en 2012) . Il intervient dans un contexte particulier puisque, en parallèle, le plan « Action Cœur de ville » a été adopté par le même Ministère de la Cohésion des Territoires en désignant les 222 villes lauréates et en créant des dispositions particulières en faveur de la redynamisation de leur cœurs de ville. Certains observateurs y ont vu une contradiction dans les politiques publiques nationales portées par l’Etat en invoquant, à tort, que l’on ne pouvait investir simultanément sur les centres-villes et apporter des moyens financiers pour faire muter les entrées de villes commerciales.
En réalité, la plupart des professionnels et des observateurs sont d’accord pour dire que l’avenir du commerce dépend étroitement de l’attractivité des centres-villes et des périphéries. La revitalisation urbaine de ces espaces est donc globalement soumise à l’existence et à la définition d’un projet de territoire, qui donne une fonction spécifique au cœur de ville et qui soit complémentaire, voire différenciante, par rapport aux pôles commerciaux de périphérie.
Or, cette évolution n’est pas possible sans une redéfinition du périmètre du centre-ville commercial et en l’absence de programmes et d’équipements capables de rendre attractif le centre-ville aux yeux des usagers, actifs, touristes et habitants.
De même, les pôles commerciaux de périphérie voient leur fréquentation et leur chiffre d’affaires s’effriter alors que leurs surfaces s’accroissent d’année en année. Pour les investisseurs et les enseignes, la mutation devient nécessaire afin de préserver leur attractivité, de lutter contre leur dégradation ou leur agonie annoncée et souvent « occultée » par les acteurs publics et privés, de peur de faire fuir l’arrivée de nouvelles enseignes… C’est aussi une course contre la montre qui est engagée avec les acteurs du e-commerce dont la progression du volume d’affaires est en augmentation constante depuis 10 ans.
Tous ces éléments sont pris en compte à des degrés divers par les lauréats, mais ils doivent être structurés dans la mise en œuvre de leur projet. Un référentiel de l’accompagnement des lauréats a donc été mis au point par les membres de l’équipe de suivi de l’appel à projets. Cette équipe est composée par des représentants du Ministère de la Cohésion des Territoires et du Cerema. Le référentiel est composé de 5 piliers : insertion du projet, gouvernance, programmation et usages mixtes, faisabilité du projet, stratégie de territoire. Ces « piliers » ont pour but de servir de repères aux lauréats dans la construction de la mission d’AMO pré-opérationnelle et la définition d’un plan-guide. Chaque pilier est aussi un critère d’analyse des projets qui alimentera la production de méthodologies destinées à servir d’autres projets au-delà de cette démarche. Il existe donc un enjeu de capitalisation important pour l’ensemble du réseau « commerce, villes et territoires » .
Créer les conditions d’une gouvernance locale pour repenser la périphérie commerciale
Pour les lauréats, la première phase de l’accompagnement consiste à s’adjoindre les services d’un prestataire pour coordonner des études pré-opérationnelles et pour garantir le respect des principes de l’appel à projets présent dans le référentiel.
En effet il s’agit d’opérations particulièrement complexes : la stratégie du territoire est directement impactée à travers le rôle du projet de mutation, au regard des besoins de redynamisation du centre-ville mais aussi à travers les effets attendus dans la recherche d’un équilibre territorial global. Les orientations établies par le SCoT 1 et le projet de territoire constituent des lignes directrices pour définir le projet de restructuration d’une périphérie commerciale et éviter de poursuivre un développement a-territorial du commerce.
L’insertion du projet doit être envisagée sous l’angle architectural, paysager et urbain afin de le rendre acceptable pour les habitants et de mettre fin aux défauts d’insertion de ces bâtiments dans leur environnement. La réussite des projets de restructuration est étroitement liée aux acteurs qui seront mobilisés et à la méthode de travail qui sera mise en place : la concertation et la négociation en font partie et il est certain que les opérations de remembrement de parcelles demanderont des efforts de la part des propriétaires fonciers et des collectivités pour parvenir à un accord financier sur les prix de cession des terrains. L’action foncière présente un caractère particulièrement délicat du travail à mener par ces acteurs.
L’étape concomitante à la négociation et à la concertation porte sur la faisabilité du projet qui consiste à interroger à chaque phase de sa réalisation le montage et le modèle économique qui sous-tend le portage foncier et les opérations d’aménagement qui vont précéder la commercialisation des programmes résidentiels, d’équipements publics et de commerces sur les 6 projets lauréats. Les usages mixtes ont été promus au cours de cet appel à projets, de la phase de sélection à la phase de lancement et demeurent une constante dans les orientations attendues des projets de mutation en cours de définition par les collectivités.
A ce stade, les lauréats et ceux qui les accompagnent dans leur projet ont conscience que les intentions initiales vont se confronter aux difficultés de mise en œuvre liées à la difficile conciliation des intérêts financiers des propriétaires avec l’intérêt public de la collectivité. Par ailleurs, les modèles économiques d’aménagement déficitaire rendront nécessaire l’intervention d’opérateurs publics et/ou privés nouveaux, sans que l’on sache aujourd’hui dans quelles proportions.
Il faudra, comme souvent dans les opérations de renouvellement urbain, réconcilier des logiques d’acteurs différentes. L’enjeu est donc bien celui-ci : réconcilier la ville et le commerce afin de créer de l’urbain sur des secteurs trop longtemps considérés comme des « zones » ou des « parcs » dans lesquels ont été reléguées les activités de consommation de masse .
-
Schéma de Cohérence Territoriale, un document de planification territoriale à grande échelle ↩