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Nouveaux visages de la ville active

La fourmilière

hybridation d'une zone commerciale

La fourmilière est l'originale réponse du Studio Héno au concours Europan 14, dont le thème central et les sites retenus lors de cette édition questionnaient la ville productive. Rencontre avec le jeune duo d'architectes et présentation de leur réponse : mobiliser les figures d'une ville effervescente afin de rompre avec la monotonie fonctionnelle des boîtes à chaussures commerciales.

« La fourmilière propose, sous forme d'une fiction inspirée de la fable de La Fontaine, une stratégie d'hybridation de la zone commerciale Gramont à Toulouse. Des fourmis collaboratives, figurant des habitants et des acteurs publics/privés, viennent en aide à des cigales, principaux acteurs et commerçants de la zone. En profitant de l’attractivité des enseignes nationales déjà présentes, et en y associant progressivement des activités locales, nous préparons un cadre propice à l’installation de nouveaux habitants afin de construire une zone « hurbanisée », engagée dans un processus d'évolution permanente. La zone se métamorphose d'un lieu d'échanges de biens et de services monofonctionnels en un site de vie plurielle, à partir des situations existantes et de négociations entre les différents acteurs du site. »

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Sur-Mesure : Le thème de l'édition du concours Europan pour lequel vous êtes lauréat est « villes productives ». Quelles étaient vos premières intuitions lorsque vous avez abordé ce sujet ? Votre réponse s'appuie-t-elle sur un constat plus général que la réponse aux problématiques du site toulousain ?

Nous nous sommes rapidement intéressés à la relation domicile-travail et à la compatibilité des zones d’activité avec la présence d’habitat. Effectivement, notre réflexion s’appuie sur un constat plus général qui est celui des limites écologiques et sociales de l’étalement urbain et de la mise en distance systématique entre les zones résidentielles et les bassins d’emploi. Selon nous, l’espace travaillé devrait plus facilement se mêler à l’espace habité. Mon territoire, c’est celui où je vis mais aussi celui où je fais : il est enrichi par la diversité des pratiques. Les constructions sociales, basées sur des modèles urbains millénaires, ont été mises à mal en 200 ans (Mario Botta le décrit très bien dans son ouvrage Ethique du bâti) et la ville contemporaine a perdu son sens auprès des citoyens.

Sur-Mesure : En quoi le site de Toulouse et de la zone commerciale Gramont présente des enjeux spécifiques ? En quoi est-il au contraire un exemple caractéristique des enjeux de reconversion des friches commerciales ?

La zone Gramont présente deux enjeux majeurs à notre sens. Le premier c’est la présence du métro (terminus ligne A) en son cœur, qui implique une relation directe avec la ville-centre. La zone Gramont n’est donc pas périurbaine, elle est centrale et deviendra à terme un quartier de ville. A nous de l’imaginer ! Le deuxième c’est la présence d’une ligne de chemin de fer désaffectée qui, réhabilitée, permettrait de rallier la zone au grand territoire par un "nouveau" (ou plutôt ancien) transport en commun. Nous imaginons un tram-train-fret à dimension régionale qui modifierait les relations domicile-travail et livraison-production.

A l’inverse, l’enjeu générique est de déconstruire les modèles obsolètes des zones d’activité que sont l’hypermarché, la boîte à chaussure et la rue de desserte. Ces structures urbaines vieilles de 60 ans doivent évoluer, non seulement pour trouver leur place dans une ville résiliente mais aussi dans l’imaginaire collectif où elles sont décriées.

Sur-Mesure : Votre réponse propose une nouvelle urbanité de la friche, une façon de préparer sa mutation vers une ville plus mixte. Pensez-vous que l'avenir des activités en ville se situe obligatoirement au sein d'une mixité fonctionnelle ?

Revenons d’abord sur le terme de friche. La zone d’activité est par définition toujours en activité, il ne s’agit donc pas de friche (un terrain précédemment exploité). Par contre, il s’agit d’anticiper de futures friches commerciales, et c’est là tout l’enjeu de notre réponse : opérer sur un espace en ébullition !

Que la mixité soit fonctionnelle est un plus, mais la ville doit surtout retrouver une mixité des échelles, permise et soutenue par les pouvoirs publics. L’urbanisme de zone commerciale, jusqu’alors piloté par les forces privées, doit retrouver une place centrale dans la stratégie urbaine des métropoles. Ainsi, la ville renouvelée, diverse et évolutive, doit prévenir un modèle commercial contemporain montrant des faiblesses. Ne mettons pas nos œufs dans le même panier, au risque de voir mourir des pans entier de ville, à l’instar des friches industrielles. Nous devons maintenant être capable de combiner les vastes emprises avec des structures à plus petite échelle qui assurent une résilience et un usage agréable. Ne serait-ce déjà que pour les salariés à qui on impose un modèle isolé de pratiques sociales.


Scénariser une problématique

La zone commerciale, ayant atteint
Son modèle de fin,
Se trouva fort dépourvue
Quand la ville fut venue.
Pas un seul petit morceau
De place ou de préau.
Elle alla crier à l’aide
A la ville son remède.
La priant de lui prêter
Quelques urbanités pour subsister
Jusqu’à l’expansion nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
En vous offrant plus de place
Interêt commun, sans menaces. »
La ville un peu rêveuse
En voit ici un atout sans frein.
« Que faisiez vous aux temps anciens ?
Dit-elle cette entrepreneuse.
Surtout le jour à tout venant
Je produisais, ne vous déplaise.
Vous produisiez ? Je suis fort aise :
Eh bien ! Fructifiez, maintenant ! »

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Anticiper les futures friches commerciales

L’étalement urbain a largement montré ses limites, notamment énergétiques et sociales, or on continue tête baissée d’établir de grandes distances entre travailler et habiter. La fourmilière traite de la capacité des villes à se construire sur elles-même, à puiser dans leurs ressources existantes, dans une logique de résilience et de complémentarité pour concilier lieux de travail et lieux de vie. L’ancienne notion d’espace productif est réinventé pour faire émerger des nouvelles formes urbaines et humaines : « hurbaines ». La ville renouvelée, diverse et évolutive, est ici une solution pour prévenir un modèle commercial contemporain montrant des faiblesses. Il s’agit d’anticiper de futures friches commerciales (a l’instar des friches industrielles) et d’organiser le développement de la ville durablement en conciliant l’accueil des citoyens, des activités et des mobilités dans une garantie équitable de qualité de vie.

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Suturer un urbanisme de plaques

A l’échelle de la métropole, le projet donne de la cohérence à un urbanisme décousu, fait de « plaques » type lotissement, zone commerciale et bord de périphérique. Pour combattre les enclaves il s’organise autour de quatre galeries (la galerie vitrine, la galerie affranchie, l’envers de la galerie et la galerie flâneuse), que les fourmis viennent creuser afin de restructurer les déplacements et suturer le site.

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Déconstruire l'hypermarché, la boîte à chaussures et la rue de desserte.

La fourmilière s’attaque aux trois modèles caractéristiques de la zone : l’hypermarché, la boîte commerciale et la rue de desserte. Pour conserver et amplifier les activités existantes, nous proposons aux cigales de vendre, mettre en location ou rénover une partie de leur bien. Ensuite les fourmis activent les nouveaux lots par des occupations temporaires compatibles avec la vie actuelle. Puis les cigales déconstruisent en ouvrant les limites et les façades, pendant que les fourmis installent de premières constructions légères. Enfin, les fourmis et les cigales reconstruisent ensemble trois nouveaux modèles inspirés de la ville centre : l'îlot, la façade et la place. C’est alors des hybridations pérennes qui envahissent la zone. Ces constructions sont la confirmation de la transformation de la zone en un quartier de ville productive.

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Pour citer cet article

Studio Héno, « La fourmilière », Revue Sur-Mesure [En ligne], mis en ligne le 14/11/2018, URL : https://revuesurmesure.fr/contributions/la-fourmiliere